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Le deuil périnatal, la perte précoce.

La fausse couche précoce est un événement très fréquent qui concerne entre 15 et 20% des grossesses, soit environ 200,000 femmes chaque année en France. En effet, même si la fausse couche précoce est la complication la plus courante de la grossesse puisqu´une femme sur quatre y est confrontée, elle est souvent banalisée, Cette perte semble évoquer peu de compassion de la part des équipes soignantes. Ces pertes périnatales sont très souvent considérées comme un accident de la nature, comme un « non-événement » suite à laquelle la femme se remettrait vite et sans séquelles.

Or, chaque femme vit cette rupture de sa maternité à venir de manière tout à fait individuelle et dans une liaison, dans une résonnance étroite avec, son propre histoire, les évènements qui ont jalonné sa vie. De plus, cette perte précoce semble  représenter pour beaucoup de femmes – et en particulier pour les femmes nullipares premigestes-, la perte d’un bébé à venir et de tous les projets dont il était porteur.  Cette perte, souvent accompagnée d´une grande souffrance psychique, nécessite chez la femme, la réalisation d´un véritable travail de deuil.

Les hommes semblent vivre cette perte autrement. En effet, l’homme intériorise ses émotions et semble souffrir de son incapacité à partager ses affects avec sa conjointe.    Ne connaissant pas le vécu corporel de la grossesse, son vécu psychique est très différent. L’enfant à venir est encore pris dans un devenir lointain. Aussi, devant cette perte, il éprouve des difficultés à se positionner, à trouver sa place, à comprendre ce que vit sa conjointe et peut exprimer de la colère s’il n’arrive pas à apaiser le chagrin de cette dernière.

Une étude sociologique menée en 2004 met en avant la souffrance masquée des hommes à travers le récit de quatorze d´entre eux ayant vécu une perte périnatale. Les exigences de notre société leur demandant d’être « forts», plusieurs hommes confient avoir caché leur propre peine afin de mieux soutenir leur compagne, à l’instar de Robert (fausse couche de 12 semaines) «Pendant que Jane pleurait sur mon épaule, il y a avait des parties de moi qui pleuraient à l’intérieur, que je n’arrivais pas à extérioriser.

La clinique nous montre que toute perte périnatale, précoce ou tardive, confronte les couples à une souffrance. « La perte périnatale diffère de celle d’une personne aimée avec qui l’on a partagé des relations affectives et des souvenirs. Il s’agit d’une perte irréelle ».  Afin que le travail de deuil s’accomplisse par un désinvestissement de l’objet perdu, le parent endeuillé doit avoir dans son champ psychique une représentation de cet objet perdu.

Les rites de représentation aident les parents à garder une trace de l´enfant, à intégrer cette perte dans leur histoire personnelle et ainsi à pouvoir commencer le travail de deuil.  Or, lors d’une fausse couche précoce, il y a une absence totale de matérialité.

“Le mot en japonais pour la fausse couche est « mizuko » se traduise globalement par «enfant de l’eau » ou « vie fluide », qui se situe au carrefour entre la vie et la mort.”

En Occident, les enfants d’eau flottant entre la vie et la mort ne sont pas si poétiquement  nommés. Les termes que nous utilisons sont bien plus techniques : « Perte fœtale, » « produit utérin, » ou bien « rien ».  La nature floue de ces mots n’est-elle pas le reflet du statut éphémère que nous donnons à ces pertes très précoces d´avant la naissance, de leur statut de non-événement, qui enferme dès lors les parents dans un silence blanc?

Comment faire le deuil d’une perte si précoce?   Pour quelles raisons ce deuil est-il si différent de certains autres? Quelles sont des « conditions » qui rendent ce deuil difficile et parfois même impossible à résoudre?

Face à des tels bouleversements, un suivi psychothérapeutique peut être utile. Se sentir accompagné dans ce processus du deuil  afin de se sentir, moins isolé face à ses difficultés.

H. Deutch,  La psychologie des femmes, Paris, PUF, 1987, p 67.
Chiffres OCDE, Insee 2004,  en dénombrait 764 000 naissances in M .J Soubieux, Le berceau vide, Toulouse, Eres, 2008.
M. Garel, M. ; H. Legrand,   L’attente et la perte du bébé à naître, Paris, Albin Michel, 2005.
L. Regan, Misscarriage, Londres, Orion, 2001.

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